Danielle Bleitrach a publié récemment un texte de Vladimir Iankelevitch, intitulé « l’irréversible et la nostalgie » qui analyse la restauration de la monarchie en France en 1815. Il explique pourquoi, même la réaction elle-même est contrainte d’admettre qu’il est impossible de faire tourner à l’envers la roue de l’histoire et que la révolution de 1789 ne peut être défaite, quand bien même les monarchistes feraient tout pour l’effacer.
« Ce que Louis XVIII a « restauré » en 1815, ce n’est pas le statu quo ante, ce n’était déjà plus, ce ne pouvait être la monarchie d’avant la Révolution : 1789 était passé par là, et puis Napoléon et les convulsions terribles qui bouleversèrent le destin de la France et à jamais modifièrent son visage. En s’intitulant dix-huitième du nom, le restaurateur de la monarchie, renouant avec le passé là même où l’exécution de son prédécesseur l’avait interrompu, a voulu faire comme s’il ne s’était rien passé entre-temps, comme si les vingt-cinq années précédentes étaient nulles et non avenues ; et il a tiré un trait sur tout cela ; tel le duc de Maulévrier, ce personnage comique inventé par de Flers et Caillavet, Louis XVIII estimait sans doute qu’il ne s’est rien passé en France « depuis la chute de la monarchie légitime ». Pourtant la régression que souhaitent les réactionnaires est encore une progression, mais une progression sabotée, boiteuse et ralentie, une progression en perte de vitesse. On ne peut transformer le factum et encore moins le fecisse en infectum et le temps advenu en quelque chose d’inadvenu, nihiliser les faits accomplis. L’empreinte est partout présente, indélébile. Et c’est le cas de le dire : il en restera toujours quelque chose… Ducunt fata volentem, nolentem trahunt. C’est-à-dire, dans notre langage : l’irréversible conduit par la main ceux qui consentent à la futurition ; il traîne ceux qui se raidissent contre lui et tentent follement, désespérément d’aller à contre-courant et de remonter vers l’origine. De toute façon l’irréversible-irrésistible aura le dernier mot, et l’impuissance du rétrograde qui croit marcher à reculons est le simple verso négatif de cette toute-puissance. »
Ce cadre fournit une grille de lecture dialectique pour comprendre la régression néo-libérale des 40 dernières années, donc, l’étape historique qui est en train de s’achever et nos tâches primordiales pour l’étape à venir. Il mérite qu’on s’y arrête et j’aimerais y apporter quelques développements.
En effet, à l’instar de Louis XVIII qui voulait rétablir la monarchie française comme si la révolution n’avait jamais existé, le néolibéralisme a voulu faire comme si la révolution russe, la victoire de 1945, les révolutions chinoise, cubaine, vietnamienne et dans tant de pays dominés n’avaient pas existé, « comme s’il ne s’était rien passé » durant le siècle passé. Il a « tiré un trait sur tout cela » et ce faisant, il a « ralenti » le développement historique et « l’a rendu boiteux ».
« Le début de la révolution sociale du prolétariat » :
En 1916, Lénine, dans son ouvrage « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme » explique :
Que le capitalisme s’est intensément développé au sein de plusieurs empires concurrents, Angleterre, France, Allemagne, USA, Russie et Japon principalement.
Que le développement économique de ces pays les a conduit d’une part à une concentration des capitaux telle que le capital industriel et le capital bancaire ont fusionné en une forme unique, le capital financier dominant et que celui-ci a également fusionné ses intérêts avec ceux de l’état capitaliste, qu’il pilote.
Que la poursuite du développement de ces empires les mène à une lutte sans merci pour le contrôle des marchés et des ressources, précipitant le monde dans une phase atroce, la guerre mondiale, la mort industrielle et inutile de millions d’hommes dressés les uns contre les autres pour les intérêts d’une infime minorité.
Que la conjonction de ces trois facteurs constituent le stade suprême du développement capitaliste et que donc, désormais, seule l’émergence du socialisme peut permettre à l’humanité d’avancer et de sortir de la crise terrible qu’elle traverse.
Concluant la préface aux éditions françaises et allemande publiée en 1920, Lénine écrit : « L’impérialisme est le prélude de la révolution sociale du prolétariat. Cela s’est confirmé, depuis 1917, à l’échelle mondiale. ».
Toute la lutte idéologique menée par le « néo-libéralisme » s’est concentrée sur ce point : combattre les thèses de Lénine, faire passer la révolution de 1917 et tout ce qui s’en est suivi au mieux pour une péripétie, au pire comme un crime. Faire croire que, tout ceci n’étant qu’une parenthèse, que nous pouvions (et même devions) effacer pour rétablir le capitalisme « normal », qui serait donc, définitivement « l’aboutissement final et indépassable de l’histoire ».
Or, pas plus qu’on ne pouvait faire passer non seulement la France, mais même l’Europe de 1815 comme un retour au « status quo ante », on ne peut faire passer le monde actuel comme un retour à la « Belle Époque », même si l’exubérance et l’extravagance insouciante de la grande bourgeoisie actuelle n’est pas sans rappeler quelques souvenirs historiques.
Le monde actuel n’a plus rien à voir avec le monde de 1910 et c’est à la révolution sociale que nous le devons, articulée autour de deux moments clés : 1917 et 1945. Toujours pour reprendre les mots de Jankelevitch, aujourd’hui encore, même plus de 30 ans après la chute de l’Union Soviétique, « L’empreinte est partout présente, indélébile ».
Reprenons les choses, étape par étape :
La révolution de 1917 est un phénomène mondial. Elle va bouleverser l’ensemble des rapports sociaux mondiaux. En 1918, la première conséquence mondiale de la révolution de 1917, c’est la fin de la 1ère guerre mondiale. Après l’effondrement de l’empire tsariste, l’exemple russe gagne l’ensemble des camps en guerre. Partout (en particulier en Autriche – Hongrie et en Allemagne) les soldats se mutinent et menacent de se retourner en force révolutionnaire contre leurs propres dirigeants. Les empires centraux capitulent pour freiner l’élan révolutionnaire. Ils sont emportés avant d’avoir été vaincus. L’Europe nouvelle n’est pas encore née, mais la vieille Europe, celle des dernières monarchies absolues est définitivement abattue. Partout en Europe et dans le monde, se créent des partis communistes, qui, en Europe et en Asie en particulier, joueront rapidement un rôle décisif.
Cependant, entre 1918 et 1939, l’économie ne repart pas. Les nations capitalistes forment encore des ensembles isolés et adversaires. En leur sein, les forces productives sont à l’étroit, l’égoïsme capitaliste les condamne à la récession, la misère sociale, les crises financières, économiques, sociales et politiques dominent. Même dans le grand nouveau pays capitaliste que sont les USA, la récession et la crise sociale frappent lourdement et bloquent le développement. Le capitalisme seul ne parvient toujours pas à relancer l’économie. Au niveau mondial, les rapports entre centre et colonies n’ont pas changé. Le monde stagne, encore enfermé dans ses contradictions et, – signe infaillible de ces contradictions non dépassées – le fascisme se développe comme un cancer.
La 2nde guerre mondiale et la victoire sur le nazisme vont donner une impulsion nouvelle. Dans de nombreux pays, les partis communistes se développent rapidement. Une partie des peuples dominés conquiert directement sa libération et rejoint l’URSS sur la voie du socialisme (notamment la Chine, mais aussi une partie de l’Europe). Face aux développements révolutionnaires mondiaux, les pays capitalistes développés vont adopter une voie intermédiaire transitoire. Ils vont transformer leur économie pour intégrer, au sein même du capitalisme, des formes de socialisme, une socialisation partielle. C’est la création de l’État-providence en Europe et, de manière moins avancée, aux USA. En France, la Sécurité Sociale est créée par Ambroise Croizat, ministre communiste et les industries clés (charbon, électricité, aéronautique par exemple) sont nationalisées. Aux USA même, le New Deal de Roosevelt, dès avant la guerre a posé les bases d’un état-providence, avec par exemple le Social Security Act (Les USA sont encore un pays « jeune » du point de vue du développement de la lutte de classe, l’impérialisme plus récent y est plus fort et pour simplifier, on peut dire qu’il a – à ce stade – moins besoin de se travestir, d’intégrer des formes pré-socialistes). L’économie socialiste est adoptée par l’Europe de l’Est et la Chine dès la fin des années 1940. La victoire contre le nazisme établit une nouvelle structure mondiale, antagonique. Le rapport mondial dominant est désormais complètement déterminé par la lutte que se mènent sur tous les terrains deux géants. Le premier est le bloc capitaliste, mené par les USA, comprenant l’Amérique du Nord, l’Asie du Sud-Est (Japon puis plus tard Corée du Sud, Taïwan …) et l’Europe de l’Ouest. Samir Amin appelait cette formation la Triade. Le second est le bloc révolutionnaire, mené par l’URSS, comprenant désormais la Chine, puis s’étendant en Corée du Nord et au Vietnam en Asie, l’Europe de l’Est et bientôt rejoints par Cuba et quelques pays africains.
La principale arène de la révolution sera alors ce qu’on appelle un temps « le tiers-monde ». Les anciens empires coloniaux secoués par les soubresauts révolutionnaires de toutes parts sont rapidement dissous. L’Inde prend son indépendance en 1947. La Chine nouvelle, communiste, est fondée en 1948. Deux guerres éclatent : la guerre de Corée et la guerre d’Indochine, à la suite de laquelle l’empire français perd ses possessions d’Indochine. Ce sera ensuite le tour de l’Algérie. Nasser prend le pouvoir en Égypte et nationalise le canal de Suez. En même temps, la révolution éclate à Cuba. Aux USA, dans lesquels les descendants des esclaves sont traités presque comme l’étaient les indigènes des colonies, la lutte pour les droits civiques s’exacerbe.
Pendant que l’énergie révolutionnaire est occupée à dissoudre les rapports coloniaux, le bloc capitaliste riche se réorganise. La lutte contre le communisme est entreprise partout, avec tous les moyens disponibles : lutte idéologique, politique, assassinats, coup d’états, contre-révolution, pressions économiques … Surtout, les rivalités entre les vieilles nations aristocratiques (Europe et Japon) sont dissoutes. Toutes les barrières au commerce, aux investissements sont levées progressivement. Les ressources stratégiques (charbon et acier en Europe) sont mises en commun. Avec le cinéma hollywoodien en fer de lance, une culture uniforme va être propagée, véhiculant les valeurs individualistes et consuméristes, « l’american way of life ».
Ici, la compréhension dialectique est indispensable : le monde transformé, ce n’est pas un seul bloc. Ce sont les deux blocs, l’unité des deux contraires, en interaction l’un avec l’autre. Rien de ce qui se passe d’un côté n’est indépendant de ce qui se passe de l’autre côté, comme le pôle nord et le pôle sud d’un aimant ne forment qu’un seul champ de force magnétique. La lutte est un corps à corps politique, idéologique, social, économique et militaire. C’est paradoxalement le progrès de la révolution lancée en Russie en 1917 qui entraîne cette réorganisation des sociétés et du monde capitaliste.
Dissolvant les puissances monarchiques et les empires de la vieille Europe, la révolution russe, poursuivie dans le « tiers-monde », donne les mains libres au capitalisme américain pour prendre le « leadership » et réorganiser l’économie capitaliste mondiale autour de sa puissance industrielle, financière et culturelle. Les limites nationales sont repoussées. Un marché mondial élargi est établi, des ressources nouvelles (notamment pétrolières) sont exploitées. De nouveaux droits économiques et sociaux sont conquis dans les pays du centre (Europe de l’Ouest, USA) qui vont développer des possibilités nouvelles de consommation.
A l’inverse, le développement économique et social de l’Union Soviétique et des pays socialistes est très lié à l’évolution économique et sociale des pays capitalistes développés qui disposent pour longtemps encore d’une large avance technologique et industrielle. Malgré un développement économique très rapide (seule la Chine dépassera la rapidité de développement que connaît l’URSS entre 1920 et 1960), l’URSS ne parviendra pas à atteindre le seuil de basculement nécessaire pour transformer l’économie mondiale.
Un monde nouveau a été créé, en équilibre instable entre capitalisme et socialisme, mais dans lequel, pour un temps assez long, les forces productives vont pouvoir à nouveau croître. Les limites que le capitalisme classique, impérialiste imposaient aux forces productives ont été pour un temps dépassées, grâce aux révolutions sociales, tant dans les rapports mondiaux (fin des empires coloniaux) que dans les rapports sociaux des pays capitalistes eux-mêmes (état–providence, sécurité sociale, nationalisation des secteurs stratégiques).
« Ducunt fata volentem, nolentem trahunt » (le destin porte ceux qui l’acceptent et traîne ceux qui le refusent) nous dit Jankelevitch, citant Sénèque. On ne saurait mieux dire de cette période improprement nommée « les trente glorieuses » et que, toujours reprenant les mots de Jankelevitch, on devrait plutôt appeler le développement bancal. Sitôt qu’il parvient à se stabiliser, le capitalisme tente de dissoudre les rapports sociaux transitoires dans lesquels il a pu reprendre des forces. Mais sitôt qu’il le fait, les démons de ses contradictions finales ressurgissent.
La face du monde porte encore les changements indélébiles portés par la révolution d’Octobre, et malgré des décennies d’efforts, les néo-libéraux ne sont parvenus à rien de solide. Même amoindrie, abîmée, souillée, la sécurité sociale est toujours en place. Progressivement, même le gouvernement conservateur anglais réintroduit progressivement la nationalisation des chemins de fer, etc, etc. Le nouvel ordre mondial que les USA ont tenté d’appliquer au proche et moyen orient a fait resurgir la guerre (Irak, Yougoslavie, Libye, Syrie, Afghanistan, Sahel …) et des formes de types fascistes (État Islamique, Al Qaeda …). La Russie n’est plus soviétique, mais elle contrecarre encore le plan d’une domination mondiale américaine unique. La Chine monte en puissance, et met en avant la réussite de son expérience socialiste. L’histoire n’est pas du tout finie, elle a juste une forte tendance au bégaiement.
Une nouvelle phase de croissance des forces productives
Le matérialisme dialectique, la manière de penser le monde fondée par Marx et Engels nous enseigne à regarder chaque chose dans sa réalité et dans son mouvement permanent de transformation. Rien n’est immuable ni définitivement donné. Chaque chose, être, structure, forme est en mouvement, en transformation, disparaît pour renaître sous une autre chose, être, structure, forme. Ce point de vue scientifique a été confirmé dans tous les champs scientifiques : par Darwin, qui a établi les bases de l’évolution des espèces. Par la physique moderne, qui montre que les constituants même de la matière atomes, particules … sont instables et en évolution.
Le matérialisme historique, l’application du matérialisme dialectique à l’histoire constate également que les structures et formes sociales évoluent. Il explique les mouvements de l’histoire comme résultant de l’évolution des rapports sociaux, des rapports communs existant entre les classes sociales autour desquelles s’organise la vie économique et matérielle (production, distribution, consommation) des individus.
Dialectiquement, les changements qualitatifs (les révolutions politiques et sociales) sont nécessairement préparés et précédés par des développements quantitatifs (en particulier, l’évolution économique, démographique, le progrès technologique …). Lorsque ces derniers atteignent un seuil critique, les changements qualitatifs deviennent inévitables.
Comme expliqué ci-dessus, les révolutions du 20ème siècle ont aboutit à des structures sociales nouvelles, contradictoires, au sein desquelles les forces productives ont pu reprendre leur croissance pour dépasser la limite que le capitalisme « classique », « suprême », l’impérialisme leur avait imposées.
Le monde transitoire des années 50, cet équilibre bipolaire instable, a connu de longs changements quantitatifs qui appelle désormais de profonds changements qualitatifs dans les structures sociales, tant au niveau mondial qu’au niveau local. La chute de l’URSS n’a pas effectué ces changements sociaux, au contraire. Elle fut un retour en arrière. Durant les 30 années qui viennent de s’écouler, les contradictions ont continué de se développer. Pour envisager la suite, les prochains changements qualitatifs nécessaires, mesurons les changements quantitatifs formidables induits par la croissance mondiale depuis 1950.
Voici quelques éléments clés :
1er changement quantitatif des 60 dernières années : la croissance extraordinaire de la population mondiale. La population mondiale avait mis 120 ans pour doubler entre 1800 et 1920 et 50 ans pour doubler entre 1920 et 1970. La croissance de la population mondiale s’est accélérée après la seconde guerre mondiale. Elle a connu son taux de croissance maximum, aux alentours des années 1970. Le taux d’accroissement annuel atteignait alors 2,11%, ce qui correspond à un doublement de la population mondiale en 33 ans, à peine plus d’une génération. C’est un record extraordinaire. Ce taux d’accroissement n’a cessé de diminuer depuis. Il est passé en dessous de 1,8 % par an en 1982, en dessous de 1,6 % par an en 1992, en dessous de 1,4 % par an en 1998, en dessous de 1,2 % par an en 2011 et se situe aujourd’hui à environ 1,11 % par an. Le doublement suivant de la population mondiale s’est réalisé en 45 ans environ, la population étant passée de 3,6 milliards d’habitants en 1970 à 7,3 milliards en 2015. C’était probablement le dernier doublement de la population humaine, pour longtemps. Les projections démographiques les plus élevées ne dépassent guère les 10 milliards d’humains en 2100.
2ème changement quantitatif : La structure sociale de cette population a considérablement changé. La population active (« personnes en âge de travailler ») croît très rapidement au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle. Elle passe de 1,04 milliards de personnes en 1950 à plus de 3 milliards en 2017. Cette progression s’accompagne aussi d’un développement de l’emploi industriel et de service au détriment de l’emploi agricole : entre 1950 et 2010, la part de l’agriculture dans la population active passe de 35 % à 4,2 % dans les pays développés, et de 81 % à 48,2 % dans les pays en développement. Cela signifie concrètement que, chaque année, durant cette période, de l’ordre de 25 millions de personnes nouvelles ont intégré chaque année le marché du travail mondial pour l’industrie et les services. C’est la base démographique de l’accroissement des forces productives de ces dernières années.
3ème changement quantitatif : la structure géopolitique de cette population mondiale a également profondément changé : Entre 1990 et 2009, la population active mondiale (population en âge de travailler, avec un emploi ou en recherche d’un emploi) augmente de 35 %, ce qui représente le nombre colossal de 830 millions d’individus (c’est environ 30 fois la population active totale de la France …). Or, 90 % de ces nouveaux travailleurs potentiels vivent dans des pays à revenus moyens ou bas. Seulement 10 % d’entre eux vivent dans des pays dits « riches ». Donc, en particulier, durant la dernière phase de la mondialisation, l’accroissement de la population active provient de pays à bas revenus, dans lesquels la main d’œuvre est très bon marché. Un nouveau prolétariat mondial se constitue, dont le centre de gravité géographique n’est plus du tout le même qu’en 1920.
4ème changement quantitatif : les techniques de productions évoluent considérablement. La consommation d’énergie augmente, c’est à dire qu’un travailleur moyen va, durant son travail, mettre en œuvre plus d’énergie en 2015 qu’en 1950. Avec l’apparition de l’électronique, de l’informatique, des télécommunications, les processus de production se complexifient considérablement. De plus, ces changements affectent pour la première fois l’ensemble de l’économie mondiale. Le téléphone portable est le premier bien de consommation à être diffusé quasi-simultanément sur l’ensemble du globe, atteignant l’échelle de plusieurs milliards d’utilisateurs en quelques années seulement.
Comme Marx l’a remarqué dans son analyse du capitalisme, le travailleur outillé et qualifié met à disposition du capitaliste une force de travail décuplée. Depuis le début du capitalisme, le travailleur est un homme augmenté, puisqu’il met en œuvre une énergie qui dépasse considérablement son énergie biologique propre. Donc, non seulement la quantité d’humains au travail s’est considérablement accrue, mais également l’énergie mise en mouvement par ces humains a été démultipliée. De ce fait, la part du travail humain consacrée à la reproduction de la force de travail elle-même (la production des moyens de subsistance) dans le travail total n’a cessé de diminuer, permettant au capital de lutter pendant un temps efficacement contre la baisse tendancielle du taux de profit.
Tout cela a permis un élargissement considérable de l’échelle de la production industrielle et des marchés capitalistes. Surtout, à partir de 1950, les USA ont pu tirer parti d’une accumulation de capitaux sur une base considérablement élargie. Contrôlant les secteurs clés de l’économie mondiale, les capitaux américains pouvaient acquérir des positions dominante dans les investissements critiques et organiser la production mondiale et la répartition des revenus selon leurs intérêts.
Le développement bancal
Pourtant, malgré tout les chiffres que l’on pourrait aligner, il serait difficile de trouver ne serait-ce que quelques pays, sur les différents continents, dans lesquels cette période (1950 – 2010) serait effectivement perçue comme une période de progrès et de développement. Si l’on met de côté la Chine qui a atteint un stade très particulier, dont nous reparlerons au paragraphe suivant, le sentiment réellement dominant sur cette période est probablement l’accumulation d’un niveau extraordinaire de frustration, de ressentiment, de repli sur soi, de peur de l’avenir et de perte de confiance dans presque toute forme de progrès.
Là encore, les mots de Jankelevitch sont frappants de lucidité : « Pourtant la régression que souhaitent les réactionnaires est encore une progression, mais une progression sabotée, boiteuse et ralentie, une progression en perte de vitesse. »
C’est qu’en même temps qu’ils accédaient à la domination du camp impérialiste, les capitalistes américains se sont évertués à mobiliser toutes les ressources disponibles non pour développer le monde, mais pour s’assurer au contraire de conserver à jamais (ou tout du moins le plus longtemps possible) cette domination. A l’image de Cronos, le Titan de la mythologie grecque qui dévorait ses propres enfants de peur que ceux-ci ne deviennent assez forts pour l’abattre, les USA vont conduire les affaires du monde afin de s’assurer qu’aucun autre pays ne vienne disputer ni même contester leur hégémonie, quitte, non pas à tuer leurs propres enfants (quoique …), mais à ralentir et même bloquer leur développement, à freiner le développement mondial.
Ce faisant, les USA ont repris la position de domination qu’exerçaient les empires anglais et français, sous une forme différente, à la fois plus sophistiquée et perverse, qui prendra le nom de « néo-colonialisme ». Les héritiers de ces empires, la France et le Royaume Uni, s’étant rangés derrière le leadership américain, ont eux-même adopté cette méthode de domination sur des zones qui leur ont été concédées au titre de « pré carré ».
Pour les pays de ce qu’on appela un temps le tiers-monde, cette période est véritablement une période du développement empêché. Derrière la façade d’une indépendance politique formelle, ces pays sont condamnés à subir une domination extérieure, des interventions étrangères directes (militaires) ou indirectes (corruption, chantage …), une captation permanente de leurs richesses, une dépendance économique impitoyable. Toutes les ressources qui permettraient un développement intérieur sont mises sous contrôle de sociétés étrangères. Lorsque ces pays accèdent à des financements pour leur développement, c’est afin que ces financements soient consacrés à l’achat de matériels occidentaux, souvent militaires, sans impact sur l’acquisition d’une réelle autonomie de développement.
Il est frappant par exemple, que, malgré des décennies de prêts, de soi-disant « aide au développement » menée par l’occident, quasiment aucune infrastructure sérieuse, ni de transport (notamment ferroviaire), ni de production électrique n’aient été entreprises sur le continent africain. Jusqu’à ces dernières années, et à l’arrivée de l’aide chinoise au développement, la quasi-totalité des chemins de fer africains sont les résidus des lignes à voie étroite, sans alimentation électrique ni signalisation, construites par le colonisateur au début du 20ème siècle pour amener les troupes et rapporter les minerais (comme le chemin de fer Dakar – Niger par exemple).
La situation de la production électrique africaine est pire encore. Alors que le continent recèle de ressources extraordinaires (le potentiel hydroélectrique de l’Afrique équivaudrait, s’il était exploité, à une puissance égale à celle de 300 réacteurs nucléaires et suffirait à lui seul à combler l’ensemble des besoins du continent). L’Afrique dispose également d’un potentiel solaire très important et de ressources pétrolières également importantes. Pourtant, du fait de l’impossibilité d’accéder aux financements nécessaires, la consommation électrique sur le continent africain était en 2018 cinq fois moindre que la moyenne mondiale.
Ces deux points aigus du développement « empêché » de l’Afrique se rattachent à un troisième point, non moins important, le blocage des systèmes d’enseignement. En 2007, selon un rapport de la Banque Mondiale, le taux d’accès à l’enseignement supérieur était de 6 % en Afrique, contre 28 % dans le reste du monde.
L’exemple de l’Afrique est atterrant, mais on pourrait brosser un tableau très similaire de l’Amérique du Sud et d’une partie de l’Asie. Si le monde connaît un extraordinaire développement démographique et économique dans son ensemble, durant la période 1950 – 2010, celui-ci est extraordinairement inégal et limité. Chaque pays, en fonction de sa position dans l’équilibre général est frappé d’un plafond de verre. Toute tentative de résistance, de contournement, d’autonomisation même est sévèrement sanctionnée : pressions économiques, pressions politiques, coups d’états, interventions militaires, assassinats de dirigeants, corruption. La liste des états qui n’auront subi aucun de ces moyens de pression, d’obligation et d’intervention est très limitée en réalité. Et ceux qui parviennent à résister comme Cuba, doivent rester solides durant des décennies, car jamais les pressions et les tentatives de déstabilisation ne cessent.
De ce fait, les capitaux sont centralisés et ne sont pas investis là où le développement démographique le nécessiterait, là où un développement harmonieux investirait dans les infrastructures des pays en croissance démographique, pour leur permettre d’accéder au même niveau technique que les pays dominants et préparer une marche en avant accélérée du monde, vers d’autres transitions (notamment climatiques), le développement est ralenti, boiteux. Les capitaux sont captés par une élite de plus en plus étroite, qui en fait un usage de plus en plus égoïste et dangereux ; l’immense majorité de la population mondiale reste bloquée dans des trappes à pauvreté.
Le « néo-libéralisme » et sa « négation » :
Alors que le « néo-libéralisme » était la phase de négation des débuts de la révolution, l’opposition à l’URSS et au socialisme, la croissance et l’émergence de la Chine comme économie socialiste de marché dominante au niveau mondial manifeste désormais la négation de cette négation.
La mondialisation exubérante :
La fin de l’Union soviétique est proclamée par les idéologues du néo-capitalisme comme la victoire définitive de ce dernier. C’est la « fin de l’histoire ». La promesse est faite que la paix, la démocratie et la prospérité vont désormais régner sur le monde et (ce n’est pas une blague, ceux qui ont connu cette époque doivent se souvenir que cela a réellement été dit) que « tous les Allemands de l’Est pourront désormais posséder une BMW ou une Mercedes ».
Pourtant, (à nouveau) ainsi que le disait Jankelevitch :
« On ne peut transformer le factum et encore moins le fecisse en infectum et le temps advenu en quelque chose d’inadvenu, nihiliser les faits accomplis. L’empreinte est partout présente, indélébile. Et c’est le cas de le dire : il en restera toujours quelque chose… Ducunt fata volentem, nolentem trahunt. C’est-à-dire, dans notre langage : l’irréversible conduit par la main ceux qui consentent à la futurition ; il traîne ceux qui se raidissent contre lui et tentent follement, désespérément d’aller à contre-courant et de remonter vers l’origine. De toute façon l’irréversible-irrésistible aura le dernier mot, et l’impuissance du rétrograde qui croit marcher à reculons est le simple verso négatif de cette toute-puissance. »
Pourtant, dès les années 2000, le système capitaliste se fissure. En 2000, la crise boursière (bulle internet) éclate. Pour y remédier, l’accélération de la dette publique américaine, la dérégulation des marchés financiers et l’alimentation d’une nouvelle bulle spéculative, la bulle immobilière dite des subprimes prépare la venue d’une nouvelle crise. La crise de 2008 est la crise financière la plus profonde et plus dévastatrice depuis celle de 1929. Le système capitaliste ne peut plus contenir les contradictions qu’il a accumulé et, à l’instar de la crise des débuts du vingtième siècle, un nouvel horizon est nécessaire pour dépasser les contradictions sociales actuelles.
Or, à partir de la fin des années 1990, un pays commence à connaître un développement accéléré qui dépasse tout ce que les autres pays ont pu faire précédemment. Ce pays, c’est la Chine.
Le moteur mondial du développement économique des trente dernières années, c’est la Chine. La Chine sort 800 millions de personnes de la pauvreté, devient l’atelier, puis l’usine et aujourd’hui l’université et le centre de recherches du monde dans bien des domaines (pas tous encore néanmoins). La Chine communiste devient l’usine du monde capitaliste. Paradoxe dialectique.
En 1990, la Chine n’est pas le seul grand pays en termes démographiques, capable d’alimenter un nouveau cycle de croissance économique. A côté de la Chine socialiste, devenant « économie socialiste de marché », il y a l’Inde, autre géant démographique dont l’économie est essentiellement capitaliste. Cela soulève une question simple : est-ce un hasard si c’est la Chine, économie socialiste de marché (et d’abord à base socialiste avant de s’ouvrir au marché) et non l’Inde, économie capitaliste, qui devient le nouveau centre économique et le nouveau cycle de croissance de l’économie mondiale ? La réponse est évidemment non. C’est parce qu’elle a su d’abord liquider tous les rapports sociaux capitalistes, puis acquérir durement son indépendance réelle par rapport à la domination mondiale des USA et de l’Occident en général, que la Chine a pu établir les bases d’un développement qui s’est accompli sur plusieurs générations, avec beaucoup d’efforts et de sacrifices, guidé par une vision de long terme qui n’a jamais faibli, une « longue marche ».
La Chine est seule porteuse d’une nouvelle organisation sociale, susceptible de dépasser les limites du monde tel qu’il a été organisé depuis les années 1950. Avec, d’une part, la crise du système occidental post-capitaliste, et d’autre part, l’émergence d’une puissance porteuse d’une autre logique de développement, une nouvelle situation dialectique émerge.
En termes dialectiques, nous sommes passés d’un monde « unité de deux blocs contraires, antagonistes en confrontation directe » (URSS et USA), à un monde « unité de deux blocs non moins antagonistes mais imbriqués », avec une Chine dotée d’une économie socialiste de marché, c’est à dire des formes et rapports capitalistes à l’intérieur d’une structure socialiste qui domine ; elle-même intégrée (et reliée par de longues et complexes chaînes logistiques dont on mesure aujourd’hui la complexité) dans une économie mondiale « néo-capitaliste ».
Donc, pour conclure ce propos un peu long, non seulement comme le suggère Jankelevtich à propos d’une autre époque, le processus engendré par la révolution d’Octobre ne peut être effacé, mais, en réalité, sous des formes différentes, masquées, il est toujours à l’œuvre. Dans un monde qu’il a lui-même agrandi, sortant le socialisme européen de l’ambiance étroite et réactionnaire de la vieille Europe, il a lui-même posé les bases politiques puis économiques nécessaires pour acquérir sa dimension mondiale. Au moment où le monde lui-même est confronté au grand défi climatique (mais qui est loin de n’être que climatique, c’est un défi de ressources en matières premières qui s’épuisent, de bio-diversité qui se raréfie, de culture qui s’appauvrit …), ce processus historique entame une nouvelle étape et c’est à nous de nous y engager.
L’économie mondiale capitaliste néo-libérale (néo-classique et post-moderne) atteint aujourd’hui les limites de son développement possible et est entrée en crise profonde. Pour franchir les défis qui sont devant nous, il faudra une répartition (mondiale et nationale) planifiée des ressources et du développement, une recherche publique mondiale librement accessible à tous les pays, un partage des brevets sensibles et des secrets techniques indispensables, une organisation mondiale de la production et une répartition rationnelle des investissements en vue d’un développement équilibré.
Quelques contradictions non résolues (liste non exhaustive)=
1ère contradiction non résolue : le déséquilibre nord – sud
La première des contradictions que l’Occident (dominant) ne parvient même pas à nommer, c’est le déséquilibre entre un nord, désindustrialisé mais tout puissant, et un sud prolétaire et réduit au silence. Or, le récit socio-historique de la « communauté internationale », de la « démocratie » que l’occident impose au monde ne tient plus. Le mur de frustrations et de mensonges qui a tenu la majorité du monde dans le rejet et la soumission est en train de craquer de toutes parts. Les peuples majoritaires d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et du Pacifique aspirent à l’égalité, à l’expression libre, à l’émancipation du filet pernicieux de freins dont leur développement a été entouré depuis si longtemps. La posture du gouvernement français en Afrique (Mali, Centrafrique) ou au Liban est celle du déni et du raidissement : refusant d’entendre les questions ou les critiques, de parler d’égal à égal, Macron s’enferme dans un autoritarisme digne de la 3ème république. Cette posture ne fait qu’accélérer et précipiter le développement inévitable de la crise et l’avènement de nouveaux rapports mondiaux.
2ème contradiction non résolue : la transformation qualitative du système productif
Le système productif actuel, sur lequel est construit l’organisation économique mondiale et l’ensemble des rapports sociaux n’est pas durable. Pour l’essentiel, il repose sur des technologies qui sont arrivées à maturité au 20ème siècle (19ème siècle pour une partie des bases matérielles : acier, métallurgie, 1ère partie du 20ème siècle pour le cœur industriel : exploitation du pétrole, électricité, moteur à combustion, béton, … et 2nde partie du 20ème siècle pour la partie « contrôle » : électronique, informatique.).
L’ensemble de ces technologies sont fondées sur une approche non cyclique, donc non durable. Elles consomment des ressources qu’elles sont incapables de renouveler. Elles génèrent des déchets dont elles ne savent rien faire si ce n’est les accumuler. Elles ont créé aujourd’hui des contradictions entre le développement humain et la base naturelle de notre existence qui atteignent leurs limites.
Or, le capitalisme occidental vit aujourd’hui largement de l’exploitation de ces technologies largement amorties, savamment réparties entre les différents trusts et ne sait absolument pas les abandonner ni les transformer. C’est pourquoi la principale réponse apportée à ce jour à toutes ses crises a été le déni : déni du danger du tabac sur la santé, déni du réchauffement climatique … Lorsque le déni atteint ses limites, on se lance péniblement dans des mesures dilatoires et des débats technocratiques sans fin.
3ème défi non résolu : La nécessité d’une planification démocratique mondiale :
Pour résoudre le défi climatique, se limiter à fixer des objectifs d’émissions de CO2 par pays ne marche pas et ne peux pas marcher, car ensuite, les pays sont pris dans les contradictions des marchés mondiaux (notamment financiers) et ne parviennent pas du tout à atteindre les objectifs qu’ils se sont eux-même fixés.
La phase de croissance « bancale » des 75 dernières années a créé des problèmes mondiaux : répartition des ressources, partage du savoir et des technologies, égalité des pays et des continents, élaboration de nouveaux modèles industriels etc. Aucun de ces défis ne peuvent être résolus dans le cadre « classique » de l’État-nation capitaliste. Tous nécessitent une vision partagée du monde, des possibilités et des responsabilités. Cette vision partagée du monde se heurte à la domination mondiale des pays occidentaux, qui ont utilisé leur poids économique, technique et militaire pour empêcher toute évolution vers le socialisme dans de très nombreux pays. Sans la domination militaire des USA, de nombreux pays (le plus connu est probablement le Chili, mais il y a également l’Indonésie, le Burkina Faso et tant d’autres qu’on a maintenu de force dans le rang) auraient choisi une autre voie. Sans les blocus, embargos et sanctions, les quelques pays qui ont effectivement choisi une autre voie, comme Cuba ou le Vénézuela, ne lutteraient pas contre l’isolement et pour leur survie mais rayonneraient dans le monde.
Donc, pour faire face aux défis du monde actuel, il faudrait renoncer à l’arsenal de domination qui a empêché et rendu bancal le développement mais ce serait renoncer à ce qui fait et maintient la domination occidentale elle-même. Il est probable que les pays dominant ne le feront pas d’eux-mêmes. En tous cas, ils n’en prennent pas le chemin mais se raidissent au contraire, dans la fuite en avant vers la puissance militaire, la menace permanente et la destruction.
Pourtant, cette domination devra être brisée par le mouvement de l’histoire.
Le défi du covid ?
La crise suscitée par le virus SARS-Cov2 présente les principales caractéristiques d’une contradiction systémique. Pour résoudre le défi du Covid 19 et des autres maladies nouvelles qui peuvent surgir dans une environnement bio-climatique dégradé, une stratégie pays par pays ne suffit pas. Il faut un accès mondial équilibré à la santé et aux soins. Il faut former des médecins, des infirmières, disposer de labos de recherche et de production de médicaments indépendants des intérêts financiers sur les 5 continents. Il faut renoncer à l’absurde propriété intellectuelle qui bride l’accès aux vaccins et aux médicaments. Autant de piliers du système capitaliste occidental dominant, qu’on se refuse même de questionner.
Le monde va au-devant de puissants changements. Ils sont désormais urgents et nous pressent de tous côtés. Leur premier effet est pourtant (dialectiquement) de renforcer et de raidir les forces de réaction, les mensonges et les dénis. A nous de les nommer, de les décrire pour mieux les déjouer, les combattre et les vaincre. Un autre monde est nécessaire. Il est déjà en train de naître, non seulement en Chine, mais aussi en Afrique, en Amérique Latine, dans l’ensemble du monde dominé, empêché, invisible et réduit au silence qui constitue pourtant la majorité active de l’humanité, sa puissance d’avenir.